Ma’joun

Ma’joun

Mohamed BENYAICH x Abdellatif MEHDI
Vernissage le 27 octobre 2023 à 19 H

Faire se rejoindre le travail de Mohamed Benyaïch et celui de Mehdi Abdellatif n’est en rien une addition, ni même une multiplication. Les deux artistes se conjuguent plutôt à la puissance de leur rencontre, un projet exposant deux extrêmes, terriblement exponentiel ! Leurs deux humanités écorchées s’assemblent pour nous offrir, à Gallery Kent, un nouveau message : celui d’un peu d’espoir à entretenir à travers tant de douleur et de doute. Promesse qui demeure entièrement contenue dans tout ce qu’ils sont capables de liberté. Une liberté arrachée à cor et à cri à un environnement conservateur et traditionnaliste, où depuis leurs propres débuts, avant chaque crucifixion, ils se permettent la nudité, l’alcool, la fête, les frôlements, le désir, le plaisir… Leur monde est certes d’une rare sombreur, mais il se fait rouge encore, de ce même ton qui, clignotant tel une alarme, nous prévient : attention, ici se dépassent les limites d’un monde de subversion. À l’heure du tout-numérique et des vertiges de la mondialisation, il n’est pas inutile de rappeler que les espaces investis par les jeunes internautes et leurs influenceurs ont été conquis de haute lutte : leur liberté actuelle est le fruit d’une longue et ancienne bataille, une grande épopée, dont les pugilistes mériteraient aujourd’hui toute notre reconnaissance et notre admiration. Ils ont tout risqué pour nous tous, et pour que nous, les libéraux de tous bords, puissions prendre aujourd’hui la parole et jouir de nos affranchissements.

Les corps à l’épreuve de la vie peints par les deux compères sont marqués par ce combat de toujours. Gueules cassées de la bataille sans fin de la poésie contre l’ordre, leurs personnages n’en sourient pas moins au monde : qu’il est bon d’avoir été brisé pour une bonne cause. Fiers et sûrs de leur bon droit, ils lèvent leurs verres aux futurs affrontements et aux promesses de querelle, puis ils éclatent d’un rire franc à en effrayer tous les bien-pensants : les personnages disloqués de Mohamed Benyaïch et de Mehdi Abdellatif le savent : ils sont du bon côté du monde, du bon côté de l’histoire, du bon côté de la vie. Leur ivresse est aussi confondante que le trouble qu’éprouve un prophète à recevoir la parole : ils connaissent les vertiges de ceux qui ont accès à la vérité. Ils souffrent, ces hommes et ces femmes peints par nos deux compères, cela se voit ; ils souffrent du regard de leurs contemporains ; mais ils jouissent, car ils n’ont pas peur de leur plaisir et moins encore du regard de Dieu, qui restera toujours du côté des Justes et des innocents.