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Presentation

Il est des villes qui suscitent bien plus que d’autres un trésor d’imaginaire. Tanger est de ces cités-là. On y rêve d’une excellence mêlée de bonne fortune et d’un avant-gardisme fait de fusion et de mixité. Les songes sont ce qu’ils sont et la ville, dont le destin international et la rare situation au bord d’un détroit entre deux continents et deux mers, sait offrir ce qu’il y a de meilleur. L’exceptionnalité est ici un héritage et une culture.
Gallery Kent participe de cette fantasmagorie, qui un temps fut un bazar sur le boulevard Pasteur où se vendait tout et rien, de la poussière aux yeux et du rêve d’Orient, du froid en pays chaud et des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas… L’exceptionnalité est un vœu construit sur le tangible : et dans ce mot, déjà s’embusque Tanger.

C’est pour un hommage très intime rendu à son père,

et à ce qu’il a su construire dans sa ville, qu’Aziza Laraki a décidé de faire revivre ce local d’une surface admirable, rue Jabha Al Watanya (ex-rue Rembrandt), au cœur de la ville et à deux pas de la pension où William Burroughs a rédigé, avec Le festin nu, le manifeste de la modernité littéraire nord-américaine. En deux temps, trois mouvements et beaucoup d’efforts et d’investissement personnel, le grand magasin s’est alors vu transformé en un espace d’art venu conférer ce qu’il fallait d’énergie, d’entrain et de bonne humeur à la jeune scène culturelle tangéroise.

Depuis l’ouverture de ce lieux unique, dont les événements trouvent échos dans les milieux autorisés de Rabat, Casablanca et Marrakech, jusqu’à Malaga, Madrid et Barcelone, Aziza Laraki a su donner le ton à un espace qui à la fois lui correspond et ressemble à sa ville. Ouvert dans un premier temps en show-room de design, où un accent avait été mis sur les dernières créations de Mounia Fassi Fihri après celles de Bruno Masson (respectivement en juin 2018 et décembre 2017), c’est en juillet 2018 avec l’exposition El Bosque de Los Suenos du plasticien Ilias Selfati (qui jouira par la suite du commissariat d’une insigne exposition collective, Lend Me Your Name, carte blanche montée en juillet 2019, afin de clore en beauté la collaboration de l’artiste avec la galerie) que l’espace a définitivement trouvé sa vocation et la ligne qu’Aziza Laraki se passionne depuis lors à développer : où l’excellence et la plus haute exigence dans la création, le meilleur de l’art contemporain pensé et créé à Tanger, au Nord du Maroc et dans le Royaume entier ont trouvé, dans ce quartier espagnol de l’ancienne ville internationale, une galerie digne de ce nom pour accueillir et défendre une nouvelle tribu d’artistes.

La comédienne Amal El Atrache, si populaire, y a accroché ses toiles fauves en décembre 2017, comme le très médiatique Omar Berrada y a présenté ses œuvres et publications les plus récentes, en avril 2018 : ces deux événements ont constitué les prémices de ce que l’on pouvait deviner comme étant l’une des facettes de l’esprit de la Gallery Kent. Omar Saadoune et les toiles de son Insomnia, montrées en juin 2019, en sont un autre aspect, plus arty et tendance, que l’on avait déjà perçu avec Quand les masques tombent de Nadia Chllaoui, exposition ouverte en décembre 2018, suivie un mois plus tard par À visage découvert de Loubna Chawad. On retrouvera enfin cette même humeur, tonique et colorée, en février 2020 avec Damien et son travail Daf Pink Fel Bled.

Aziza Laraki, femme d’affaires, revendique sa liberté dans un discours, et surtout une action, à l’encontre de ce qu’ont toujours clamé militantes et idéologues féministes : c’est en sublimant sa féminité qu’elle mènera et remportera ses batailles. Blondeur décoiffée, bonne humeur flamboyante, des idées à en revendre et des projets jusqu’à la nuit des temps : c’est d’une façon insolemment féminine et volontaire qu’elle accueille ses invités de marque durant les vernissages de toutes les expositions qu’elle organise, dont bien évidemment celles consacrées à la Journée internationale des Droits de la femme. En mars 2018, Les femmes s’affichent sur les cimaises de la Gallery Kent, en compagnie de Khadija Tnana, toujours intelligemment radicale, d’Amina Rezki en papesse des reconquêtes de la grande figuration, de Nazik Boukmakh l’affranchie, Mahacine El Ahrach toute en délicatesses, Narjisse El Joubari héritière de la tradition, Hanae El Oudghriri dans une énergie proche de l’abstraction lyrique… et, bien sûr, encore Amal El Atrache, devenue l’ambassadrice d’une tournure de la maison. En mars 2020, l’événement célébrant les Droits de la femme réunira, en plus de quelques-unes de ces pionnières, les subtiles sculptures et bas-reliefs d’Itaf Benjelloun, les rébus de la nouvelle figuration d’Amina Benbouchta, les rigueurs formalistes de la photographe Catherine Poncin, les œuvres en étoffes de Carla Querejeta Roca, les paysages savamment essentialisés de Houda Terjuman et les grandes abstractions lyriques de Mounia Touiss.

Autre peintre abstrait, qui se revendique de l’héritage d’un Cy Twombly et qui demeure un élève du grand Fouad Bellamine, Abdellah El Haitout a ramené de sa ville de Salé ses splendides exercices de style sur les murs de la plus grande galerie de Tanger. L’événement, organisé en avril 2019, fut aussi remarqué que remarquable. Un hommage rendu à Noureddine Madrane, fin 2018, avait su combler les attentes d’un public beaucoup plus traditionnel. La photographie, par ailleurs, n’est pas en reste dans la programmation de la Gallery Kent, qui a organisé en septembre 2019 une exposition des splendides tirages argentiques de Younes Fizazi, dans un Timeless où le jeune dandy de la photographie rbatia a décliné tous les contrastes de son Maroc millénaire et pourtant bien moderne ; le mois suivant, Stéphane Modéna, un fils du détroit, a offert sa première grande exposition en tant que photographe professionnel.

Aziza Laraki a su multiplier les partenariats avec les institutions culturelles, ainsi que les externalisations d’événements, que ce soit avec l’Instituto Cervantes ou la revue Sures, l’Institut national des beaux-arts de Tétouan, le festival Tanger Photo Med ou un espace dédié d’Ô Saveur. C’est ainsi que, dans une dynamique événementielle innovante, initiée avec l’école des beaux-arts du Nord du Maroc et l’antenne tangéroise de la diplomatie culturelle ibérique, il a été décidé que des expositions de lauréats seront organisées chaque année afin de soutenir et valoriser la démarche et le travail des talents de demain. Inssaf Asry, Omayma El Guerssifi, Khadija Jayi, Mohamed Noujmi et Mouhcine Rahaoui furent les premiers, en décembre 2019, a bénéficié de cette visibilité sur les cimaises de la galerie, dans un événement d’un grand niveau, salué par tous pour son exigence. La Gallery Kent joue encore son rôle de locomotive culturelle en créant de nouvelles synergies par l’organisation d’expositions collectives : Khadija El Fahli, Nouzha Lityeme et Raphaël Gaudin furent réunis en février 2019, quand les artistes de Lucky Number 4 avaient eu une tribune le même mois de l’année précédente.

La Gallery Kent a donc su conférer un nouveau ton à la scène culturelle tangéroise, insufflant une candeur, un désir et une liberté qui ne peuvent être l’apanage des grandes institutions, mais encore un professionnalisme, une rigueur et une exigence que bien souvent ne peuvent s’offrir des lieux plus modestes. L’espace est rare, tant pour sa situation centrale dans une ville unique, symbole de la mixité des cultures, que par sa configuration. Les meilleurs techniciens de la ville y assurent accrochages, vernissages, visibilité et communication. Les médias, qui ne s’y trompent pas, couvrent largement les choix faits par Aziza Laraki et l’évolution du lieu qu’elle a créé, en passe de devenir un phare de la vie culturelle tant à Tanger que pour tout le Royaume.