15 Secondes de Chaos
Amine Boushaba
Le 29 février 1960 à 23 h 40, en quelque secondes, l’un des séismes les plus meurtrier du XXe siècle a rayé la ville d’Agadir de la carte. Plus de 12.000 personnes seront tuées et quelque 25.000 blessées. La belle cité balnéaire qui souriait au soleil 365 jours par an n’est plus que décombres. Les premières images illustrant l’ampleur de la catastrophe et la détresse des éplorés font le tour du monde et marquent durablement les esprits jusqu’à nos jours. Car il y a indéniablement une dimension bouleversante liée à la précarité de la condition humaine face au déchainement des éléments qui reste ancrée dans nos mémoires. Sans entrer dans un débat, que nous sommes très loin de maitriser, sur une quelconque transmission intergénérationnelle des traumatismes, il serait curieux de se poser la question de savoir, pourquoi une jeune artiste, native de la ville certes, mais la vingtaine à peine entamée, entend-elle faire œuvre de mémoire en réveillant le souvenir d’un événement traumatique de plus d’une soixantaine d’années ? Les travaux de Zineb Bouchra sont-ils une simple documentation d’évènements qu’elle n’a pas vécue ou quelques réminiscences d’un subconscient porté par quelques drames familiaux profondément enfouis. Car c’est en feuilletant un album de famille que l’artiste a entamé son travail de fouille, d’exhumation et de mise en forme. Une exploration qu’elle confortera avec une longue recherche. De l’œuvre de Mohammed Khair Eddine, à Akira Kurosawa, de Anselm Kiefer à Leonardo Drew ou encore Kader Attia, c’est la notion de « récupération » ou plutôt de «réparation», en tant que constante de la nature humaine que l’artiste évoque. Zineb Bouchra explore ici l’éventualité d’une transmission familiale des traumatismes enfouis tout en s’interrogeant sur la manière dont les générations ultérieures portent le poids émotionnel des événements passés, même s’ils les ont vécus à travers les récits familiaux. Les fragments visuels et symboliques dans ses œuvres révèlent une quête personnelle pour comprendre et exprimer les traces du passé qui résonnent au sein de sa propre histoire familiale. En traitant du séisme d’Agadir, il n’est nullement question pour l’artiste d’éloges des ruines d’un romantisme nostalgique, ni d’une archéologie du futur mais bien de déflagration. D’une esthétique de la catastrophe, d’une certaine ordonnance du chaos. Car, à voir ses travaux, d’une abstraction faites de fragments disséqués, il nous parait que ce que semble vouloir saisir Zineb Bouchra ce ne sont point les conséquences d’un quelconque traumatisme latent, mais bien ces 15 secondes 15 Secondes de Chaos Amine Boushaba de chaos que durera la terrible frappe. Des objets détruis, brûlés, désarticulés, des fragments de murs pulvérisés ou soufflés… semblent saisis dans leur chute incessante, qui parfois se télescopent. De ces fragments d’un bâtiment démoli, on décèle un bout de vêtement, un jouet d’enfant, des ustensiles ménagers et des fournitures scolaires… et le métal se mélangeant aux morceaux de béton gris. Le caractère éclaté, brisé, détaché des fragments évoque une violence et renvoie à une blessure, une fracture, une rupture, une perte, une solitude… Il est aussi le germe d’un monde à venir qui par la force du réassemblage peut contribuer a créer une autre réalité donner naissance à un nouvel ensemble, un nouveau tout. C’est à se demander si Zineb Bouchra à travers son récit du chaos, documente-elle un évènement du passé ou si elle n’illustre pas la marque de notre monde disloqué comme une réponse à notre réalité ? Les nombreux conflits armés de ces dernières décennies n’ont laissé que des champs de ruines, des constructions réduites en miettes, des corps brisés et mutilés. Face à l’insouciance de l’homme et a son ingratitude, n’y a-t-il que le chaos comme réponse immédiate ? Un chaos face auquel nous tentons de résister en inventant des ordres excessifs, comme si tout désordre était une menace existentielle Or une jeunesse ne peut s’épanouir sans désordre sans bruit, sans résistance. Zineb Bouchra est justement une jeune artiste. De cette génération qui fait face à un futur qui ne fait plus rêver et dans lequel il est très difficile de se projeter. Avec ses fragments, qu’ils soient visuels ou symboliques, elle construit un récit complet, fait aussi bien d’histoires individuelles que collectives, d’une bien étonnante acuité qui capture avec finesse la tension entre la destruction brutale et la résilience humaine.
ترميم بقايا الكارثة
شرف الدين ماجدولين
يندرج اشتغال الفنانة التشكيلية زينب بشرى على «تراث الكارثة» (غاليري كانت بطنجة) وهي المنتمية إلى الجيل الأحدث من الفنانين المغاربة، ممن زاوجوا بين مهارات فن القواعد (في اللوحة أساسا)، والولع بالعمق المفهومي للموضوعات؟ بما تقتضيه المزاوجة من عمل بحثي، تتقاطع امتداداته عبر معارف شتى. من هذا المنطلق يبدو عملها رمع، الكثير من فناني جيلها) منحازا في ظاهره للتاريخ وللذاكرة. وللسرديات المتصلة بها، الموزعة بين أنوية مجتمعية صغرى ،بقدر ما يتجلى مثجدلا بهواجس الذات الفردية المتشظية في مواجهتها للتحولات المتسارعة للعالم، وللهويات والجغرافيات والقيم. جيل عاصر في وقت وجيز ماكان يتخلل ،قرون من الزمن، عبر محطات متباعدة، من حروب وأوبئة وزلازل وتغيرات مناخية، منذرة بنهايات مرحلة من تاريخ الكون.
في الأيام الأخيرة من عمل زينب بشرى على لوحات معرضها المستوحى من ذاكرة الزلزال التاريخي لأكادير، وقع الزلزال)…)،المدمر لمساحات شاسعة من منطقة الحوز بالمغرب لحسن الحظ أن الأعما كانت شبه جاهزة للعرض، لكن ما جرى، من دمار في مئات القري، وما تلاه من تدفق صور تثطل كل ثانية من الإعلام ووسائط التواصل، للمدفونين تحت الأنقاض، وللخراب القيامي، جعل المحكية تشظغ عبر امتدادات رؤيويه مختلفة، واحتمالات تأويلية مضافة لتتلوها عشرات الأسئلة التي تحاصر الاشتغال: هل ما يرى الآن بكثافته الفجائية وجدته وطغيان تفاصيله، يفكك السردية الشفوية القادمة من أرشيف عائلي؟ أيفقدها طزاجتها، وقدرتها على الاستثارة الفنية للغامض الثاوي في الذاكرة عن العطب القديم؟ لا يمكن الركون إلى قناعة نهائية بصدد وضع شديد الإلغاز من هذا النوع، بيد أن الشيء الأكيد أن الزمن مرة أخرى، سيضع النوازل الكارثية المستحدثة، في تجاور مع سالفاتها، في أثناء الاسترسال في الاشتغال الفني، كما أن المتلقي لن يكون في معزل عن إيحاءات الماضي القريب والبعيد معا، لحظ تمثل تحولات التجاور والجدل والانمخاء فى الكتل اللونية المطروحة للنظر.
ROCKBOUND
TÉTOUAN, 2023
TECHNIQUE MIXTE SUR PAPIER CARTONNÉ DIM. 170 / 75 CM
ORGANIZED CHAOS
TÉTOUAN, 2023
ACRYLIQUE, PASTEL, FUSAIN SUR TOILE DIM. 150 / 200 CM
ONE BRICK
TÉTOUAN, 2023
TECHNIQUES MIXTES SUR TOILE DIM. 160 / 63 CM
BREAKABLE
TÉTOUAN, 2023
TECHNIQUES MIXTES SUR TOILE DIM. 45 / 35 CM